#042 - TERREUR DANS LE SHANGHAÏ EXPRESS, un film d’Eugenio Martin, 1972.
- LE FILM -
Synopsis : Mandchourie, 1903 – Lors d’une expédition au Tibet, le paléontologue Alexander Saxton (Christopher Lee) a découvert le corps d’un hominien, conservé dans la glace depuis deux millions d’années. Saxton décide de le rapatrier à Londres, dans une caisse, en empruntant le Transsibérien. Il y retrouve une vieille connaissance : le Dr Wells (Peter Cushing), un biologiste. La mystérieuse trouvaille de Saxton semble intéresser plusieurs passagers du train. Mais les choses se compliquent lorsque surviennent des meurtres inexplicables. Wells découvre alors que les cerveaux des victimes ont été vidés de leur substance...
Vampire, body snatchers et créature de l’espace se croisent pour incarner la "Terreur dans le Shanghaï Express" d’Eugenio Martin avec Christopher Lee, Peter Cushing et Telly Savalas en têtes d’affiche. Le film avait tout pour n’être qu’un énième émule des succès de la Hammer Film Productions dont il reprend d’ailleurs deux de ses étoiles : Lee et Cushing. Avec son très bas budget, qui serait d’ailleurs fondé sur les restes financiers non dépensés du précédent tournage d’Eugenio Martin, et malgré des retours qui ont tenté d’en faire un nanar fantaisiste à oublier, "Terreur dans le Shanghaï Express" mérite sa place dans l’histoire du cinéma fantastique et d’épouvante européen.
En effet, le long métrage ne manque pas d’idées incongrues mises en scène de façon surprenante et même poétique. On pense notamment à la fameuse séquence de dissection de l’œil de la créature sortie de son hibernation dont le liquide oculaire est visionné à la loupe et permet d’accéder à des images-souvenirs ; ou encore à ce réveil zombiesque dans le climax final où les yeux blancs vitreux des victimes - constituées par de multiples militaires cosaques auparavant dirigés par un Telly Savalas formidablement en roue libre – brillent d’un éclat morbide tandis que les corps s’élèvent et progressent lentement aux trousses de nos héros à travers les couloirs alors sombres du Shanghaï Express.
Si le film peut avoir un peu de mal à nous impliquer dans son récit de singe préhistorique décongelé et sociopathe dans ses vingt-cinq premières minutes, le récit au cœur du film, qui suit une créature de l’espace qui aspire la mémoire - et par conséquent toutes les connaissances de ses victimes - et qui passe d’un corps à un autre par le regard, réussira à emballer ses spectateurs avec son timing serré, ses surprises en pagaille, sa bande-son emballante signée John Cacavas et cette poésie morbide qui fait tout le sel du cinéma bis. Eugenio Martin propose donc avec sa "Terreur dans le Shanghaï Express" un thriller exaltant, extrêmement soigné (de son formidable décor de gare à ceux des wagons du Shanghaï Express éponyme) et sérieusement incarné qui a le mérite de proposer une véritable alternative au spectaculaire fantaisiste d’antan et d’aujourd’hui, quand bien même il pourrait ne pas convaincre pleinement les fans absolus de la Hammer ou à un tout autre champ du spectre, les spectateurs en déficit d’imagination.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
"Terreur dans le Shanghaï Express" a débarqué en édition Blu-ray en France chez Le Chat qui fume en décembre 2022. Comme souvent avec l’éditeur, le master HD utilisé pour cette édition a été choisi et choyé avec soin. Il s’agit d’un master haute définition basé sur un scan 2K du négatif original 35mm complété par le scan d’un interpositif 35mm, utilisé auparavant par les Britanniques d’Arrow Vidéo pour leur édition Blu-ray éditée en 2019.
Nous avons une image joliment précise, avec un grain argentique organiquement présent et finement servi par le débit vidéo ; la colorimétrie, plus subtile qu’on ne le croirait de prime abord, est très bien équilibrée. Le contraste sert excellemment l’image notamment dans ses séquences obscures qui ne perdent rien en lisibilité. Le cadre est stabilisé et le format bien respecté.
Du côté du son, la réussite est aussi au rendez-vous. L’éditeur a fourni la piste originale et la version française en DTS-HD Master Audio 2.0. La version originale sera conseillée pour sa clarté et son équilibre tandis que la version française, toute aussi claire, a cependant une certaine tendance à privilégier les voix au mépris des sons d’ambiance lors des séquences dialoguées.
Du côté des compléments, l’éditeur a fourni deux modules : d’un côté, les souvenirs de l’érudit Christophe Lemaire qui a pu découvrir le film en salle à sa sortie française au milieu des années 70. Au fil d’anecdotes plus ou moins pertinentes mais toujours sympathiques, il revient sur la manière dont le long métrage l’a marqué et en quoi il constitue une œuvre type du cinéma Bis par le caractère à la fois foutraque, outrancier d’un côté et, de l’autre, cadré et généreux avec de nombreuses idées de cinéma (de genre). Le module « déraillement » permet au journaliste Philippe Chouvel de revenir de façon plus procédurière et précise sur le film, et de façon plus large, sur la carrière du cinéaste Eugenio Martin. On trouve enfin la bande-annonce du film, beaucoup trop longue comme bien d’autres de l’époque.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4,5/5
TERREUR DANS LE SHANGHAÏ EXPRESS, DISPONIBLE EN BLU-RAY DEPUIS DECEMBRE 2022 :