#056 - TERMINATOR, un film de James Cameron, 1984.
- LE FILM -
Synopsis : Un cyborg indestructible – un Terminator (Schwarzenegger) – est envoyé dans le passé pour éliminer Sarah Connor (Linda Hamilton), la femme dont le futur fils deviendra le seul espoir de l’humanité dans une guerre à venir contre les machines.
Que reste-t-il à dire sur « The Terminator » si ce n’est que chaque revisite du film tient d’une redécouverte. On pourrait citer ses dialogues en anglais, en français, vous décrire des scènes dans leurs moindres détails… Après une première expérience catastrophique et incomplète sur le long métrage « Piranha 2 The Spawning » logiquement renié, le cinéaste canadien James Cameron réalisa véritablement le premier grand ouvrage cinématographique d’une carrière hors-normes – et toujours active – avec « The Terminator », qui a traversé nos enfances et nous accompagne encore dans l’âge adulte. Le rapport entretenu avec le film va cependant au-delà de la nostalgie.
Il y a dans « The Terminator » deux éléments essentiels à cette relation évoquée : son énergie concentrée dans un sens de l’urgence qui porte le récit ; sa puissance d’évocation incarnée dans la terreur techno-Lovecraftienne du Terminator et des autres créatures mécaniques produites par l’intelligence artificielle Skynet. Ces deux facteurs sont intimement liés : en effet, il n’y aurait pas d’urgence sans Skynet, l’humanité désespérée déploie toute son énergie restante afin de survivre, de résister et de se battre contre l’oppresseur technologique qui ne mange pas, ne dort pas, n’éprouve aucune émotion.
Le générique du film, en particulier le thème musical culte composé par Brad Fiedel, est en cela exemplaire. Les résonnances métalliques se mêlent à un rythme parfaitement régulier, presque industriel. Du cauchemar mécanique se déploient alors, tel le cri mélancolique de l’humanité survivante, les fameuses notes de la saga « Terminator ». La mélodie reviendra plus tard, via une sonorité de piano et non plus de synthétiseur, accompagner la scène d’amour de Sarah Connor et Kyle Reese, confirmant son attachement à la race humaine, armée de la puissance des sentiments.
« The Terminator » est justement un grand film sentimental et romanesque. La famille Connor, composée par Sarah, John (futur chef de la résistance) et Kyle Reese (qui vient du futur), ne peut se construire qu’à travers le voyage dans le temps. Elle est le fruit d’une boucle temporelle : John ne peut naître que s’il envoie son père défendre sa mère dans le passé face au Terminator. Si les modèles d’infiltration de Skynet ont besoin de chair et de sang pour voyager à travers le temps, on apprend que Reese souffre physiquement de ce voyage temporel. Il a cependant un élément en plus du Terminator, l’amour. Le vrai, le grand, qui traverse le temps à rebond pour survivre à un holocauste nucléaire et porter l’humanité survivante. La famille est une entité tragique chez James Cameron : « Aliens » fait de Ripley une mère en deuil d’une fille qui a vieilli sans elle puis elle devient par la suite une maman adoptive d’une gamine qui a vu sa famille décimée par les xénomorphes ; dans « Terminator 2 Judgment Day », la famille est reconstruite avec un cyborg en figure paternelle qui devra s’auto-terminer ; dans l’actionner humoristique « True Lies », les relations conjugales et parentales sont ruinées par la banalité et le secret avant de se réunir et de se passionner dans la vérité de la collaboration dans l’action. On pourrait aussi citer « Avatar 2 La Voie de l’eau » et sa famille mutante constituée avec un ex-humain devenu un Na’vi, et plus encore, un chef de guerre et de famille dont le clan familial finit idéologiquement divisé par la perte d’un fils en fin de bataille contre les envahisseurs terriens.
C’est l’action, en particulier l’urgence qui, dans ces films, comme dans « The Terminator », construit ces familles. Car l’amour nous y est raconté, non pas comme une puissance intangible et fluctuante, mais comme une force en mouvement poussant les corps dans leurs derniers retranchements, avec des esprits exaltés par des motivations elles-mêmes solidifiées par ce sentiment puissant. Le final de « The Terminator » est justement passionnant car si l’holocauste nucléaire ne peut être évité, Sarah a connu l’amour, et le fruit de cet amour a déjà un cœur qui bat, celui de John Connor, le Jésus Christ façonné par Cameron qui combattra sans relâche la terreur mécanique pour le salut de l’humanité. Les dernières notes musicales du film annoncent la tempête à venir à la fin d’un récit nous ayant plongé dans certains des cauchemars à venir, et qui nous aura aussi fait expérimenter au présent la terreur du Terminator incarné par l’altérité plastique et la physicalité à la fois brute et fluide d’un Schwarzenegger crevant l’écran mais heureusement vaincu par la puissance d’un amour atemporel.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
Les récentes éditions UHD 4K des films de James Cameron auront fait couler beaucoup d’encre. On pense notamment à « True Lies » et « Aliens » qui ont subi du dégrainage à l’excès en plus d’avoir été manipulés à coups d’IA en mode « valorisation des éléments et figures » sans aucune mesure et réflexion sur la mise au point d’une image et de leur lecture conçue par les équipes de films, quitte à réécrire artificiellement ces images captées sur pellicule et même à transformer des images de cinéma amusantes ou dramatiques en visions horrifiques.
Cameron, qui a supervisé les restaurations de ses films menées par la société Park Road Post, filiale de WingNut Films, société de Monsieur Peter « Seigneur des Anneaux » Jackson, n’a pu aussi s’empêcher de modifier leurs colorimétries. Pire, on sait qu’aucune nouvelle numérisation 4K n’a été faite pour la plupart de ces films – « Abyss » (qui n’avait jamais eu de version Blu-ray) mis à part – et que ces sorties UHD 4K sont donc basées sur d’anciennes sources malmenées avec des outils numériques. On vous conseille à ce sujet de vous rapprocher des sites de tests vous proposant des comparatifs tels que www.hdnumerique.com et www.movieandgame.fr sur lequel on retrouve l’excellent article « Aliens, Abyss, True Lies et Titanic – L’IA M’A TUER », ainsi que de consulter les analyses en vidéo du Labo de Jay qui a été accompagné par l’érudit David Fakrikian, spécialiste du cinéma de James Cameron et du support physique.
Pourquoi de tels choix et outils sur ces films ? Parce que Monsieur Cameron, qui a conseillé aux clients mécontents de « sortir de la cave de leur mère », semble renier l’héritage filmique de ses œuvres tournées sur pellicule. Plongé dans le cinéma numérique depuis de nombreuses années, James Cameron revisite ses œuvres au grès des standards de l’imagerie numérique, et certainement de ses goûts modernes. Le grain est lissé voire effacé au point – parfois - de faire des visages des comédiens des figures de cire, l’étalonnage est modernisé selon les standards du jour et la lisibilité des images – notamment des arrières plans flous ou de figures en retrait – est forcée, rendue nette par l’usage de l’IA. Attention, l’IA est utilisée en restauration par bien d’autres sociétés, mais avec parcimonie et sous contrôle, notamment quand certains autres outils se révèlent limités.
« Titanic » s’en était finalement mieux sorti que les autres avec un traitement plus conservateur. « Abyss », qui était seulement disponible en DVD jusqu’à récemment, n’était pas tout à fait massacré non plus. Avant la sortie de la vague de films précités, il y a déjà quelques années, « Terminator 2 Judgment Day » avait été massacré à coup de DNR et avait vu sa colorimétrie revisitée lors de sa ressortie 3D. Ainsi, lorsque la sortie en Ultra HD 4K de « The Terminator » a été annoncée, de nombreuses craintes ont légitimement fait surface. Bonne nouvelle, il semble que les râleurs vivant dans les caves de leur « môman » ont été un minimum entendu.
Le master 4K de « The Terminator » a été conçu à partir de la même source numérisée que celle utilisée sur la précédente édition Blu-ray. On note tout de même une amélioration en termes de piqué et de clarté. La texture filmique n’a pas été pleinement altérée, on remarque cependant qu’un grain d’image a été ajouté en post-production. La colorimétrie n’a pas subi de changement profond, elle se retrouve vivifiée. Les contrastes ont gagné en intensité mais on peut toutefois regretter que le film paraisse aussi lumineux. D’ailleurs, on a perdu en nuances sur les sources lumineuses qui sont certes plus intenses mais qui, par conséquent, apparaissent écrêtées.
L’IA n’a pas manqué d’être utilisée, on ressort donc du film avec l’impression étrange mais basée sur une observation bien réelle que des images semblent sûr-lisibles. Des personnages en retrait, voire en arrière-plan plus ou moins flou, qui ne devaient pas particulièrement concentrer notre attention, ont été artificiellement rendus nets au risque de défaire la lecture des images conçue par l’équipe du film, voire de transformer le visage du chauffeur du camion-poubelle en figure monstrueuse. Des écritures qui étaient floues ont été mal interprétées par l’IA. Ou encore, lorsque Sarah conduit son scooter avec ses lunettes de soleil, l’IA a aussi mal interprété son visage (avec la paire de lunette) qui se trouve être altéré de façon assez horrifiante. À noter que Cameron a ajouté une lame au scalpel qu’utilise le Terminator pour son « opération » oculaire.
Du côté du son, trois mix sont disponibles. La version originale est accessible via un mixage supervisé en Dolby Atmos par la société Skywalker Sound. Enveloppante, avec des canaux surround employés pour la bande-son titanesque de Brad Fiedel ainsi que pour les effets sonores du film, ce mix se révèle efficace malgré des effets sonores hélas remaniés (tel que le pistolet du Terminator ou les explosions des bombes de Reese). La VF est ici présentée en DTS-HD Master Audio 5.1. Nous ne sommes pas franchement concentrés dessus, car on trouve aussi et surtout dans cette édition, pour notre plus grand plaisir, le mix original du film en DTS-HD Master Audio 2.0. Du côté des compléments, rien de neuf sous l’horizon hormis d’anciens bonus vidéo qui reviennent sur les effets spéciaux et la musique du film, sur sa vision de science-fiction plus terre à terre qu’on ne le croit, ainsi que sur l’héritage du long métrage passé à la postérité. Aussi sept scènes coupées sont disponibles.
« The Terminator » débarque donc dans une édition UHD 4K (Steelbook) loin d’être la catastrophe annoncée. Hélas, il ne s’agit pas de l’édition définitive tant attendue pour ce magnum opus de l’imaginaire cinématographique. Plus encore, l’usage de l’IA comme il a été employé sur les films de Cameron, ainsi que sur « Jaws 3 » ou encore sur la restauration HD de la série matricielle « I Love Lucy » qui débarquera bientôt en Blu-ray, n’est pas sans inquiéter. Cet outil, comme le DNR avant lui, participe à galvaniser les consommateurs épris d’image lisse pour leur écrans plats.
Cette école de l’image modernisée au mépris de la réalité historico-technique du document filmique, du travail de l’équipe en charge de sa conception, ainsi que des premières expériences salles et vidéo, risque de faire encore quelques dégâts avant de se calmer. « The Terminator » peut être vu comme une sortie relativement positive sur ce sujet, d’ailleurs n’oublions pas que « Predator », massacré sur l’édition ultimate Blu-ray, a retrouvé toutes ses lettres noblesse en UHD 4K bien des années plus tard. Nul doute que quelques entrepreneurs trouveront une nouvelle tétine technologique propre à faire taire et calmer les vidéophiles infantiles gavés au disques « démo », ces fans qui se trouvent être des consommateurs inconséquents incapables d’aimer leurs œuvres chéries pour ce qu’elles sont et ont été. Rappelons qu’un lifting raté ne rajeunit pas une personne alors pourquoi, hormis par nostalgie technocratique, forcerait-on un film à être « modernisé » ?
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 3/5
TERMINATOR, DISPONIBLE DEPUIS LE 20 NOVEMBRE 2024 NOTAMMENT CHEZ FNAC :
https://www.fnac.com/a19860780/Terminator-Steelbook-Blu-ray-4K-Ultra-HD-Arnold-Schwarzenegger-Blu-ray-4K
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