#053 - LA ZONE D'INTERÊT, un film de Jonathan Glazer, 2024.
- LE FILM -
Synopsis : Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.
Après en avoir dans la chronique « Sur le très grand écran » le mois de sa sortie, nous avons voulu laisser Guillaume Méral, critique de cinéma, revenir sur le film. Merci à lui pour sa précieuse contribution et son avis que nous partageons.
« La banalité du mal », c’est le faux-ami par excellence de l’espace public, employé le plus souvent pour évoquer le mal à visage humain, à la fois pour se faire peur, et pour se rassurer. Car le monstre a beau nous ressembler, au fond il s’agit toujours de quelqu’un d’autre. Pour la philosophe juive-allemande Hannah Arendt, qui a inventé le concept après avoir assisté au procès d’Adolf Eichmann, les choses sont loin d’être aussi simples : le mal, c’est NOUS. Vous et/ou moi, il ne nous manque pas grand-chose pour commettre le pire.
Et dans "La Zone d’Intérêt", le pire c’est la passivité.
Ce « comme si de rien n’était » auquel nous astreint le réalisateur Jonathan Glazer ("Sexy Beast", "Under the Skin"), devant le quotidien de la grande villa jouxtant le camp de concentration d’Auschwitz, et occupée par la famille de son administrateur. Le spectateur sait pertinemment ce qui est en train de passer, mais le réalisateur ne l’évoque que par métonymie : de la fumée qui s’échappe des cheminées dans l’arrière-plan, des cris qui s’échappent en écho de la bande-sonore, ou un nazi qui… éternue une cendre lors d’une partie de pêche. De loin l’un des passages les plus glauques d’un film qui ne nous épargne rien, sans nous montrer quoique ce soit frontalement.
Le « In your face » intégralement hors-champ, c’est tout sauf un oxymore ici : le cinéaste EXPOSE le mal. Dans tous les sens du terme, au sein de cette peinture d’un véritable paradis bucolique corrompu par un passé immédiat. Comme si Terrence Malick réalisait « The Aushwitz Show » sans Jim Carrey mais sur un palimpseste hanté par les traces des écritures précédentes. Un univers merveilleusement trop bien ordonné que Glazer dérègle à coups de de détails : un point de montage trop en avance ou un poil trop en retard, un regard perdu dans l’horizon auquel il tourne le dos… "La zone d’intérêt" fonctionne comme une installation d’art contemporain, qui cloisonnerait ses personnages-témoins dans une boule à neiges mutilée par une horreur invisible mais omniprésente.
Saint-Thomas d’Aquin n’est plus qu’une autruche qui refuse de sortir la tête du sable : ne pas croire ce qu’on voit, c’est accepter de regarder ailleurs. Une expérience tout sauf agréable, mais oh combien nécessaire.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
C’est l’édition blu-ray du film qui nous a été envoyée. Une édition 4K UHD est également disponible mais ne l’était pas pour nos tests. C’est Blaq Out qui se charge de mettre sur support physique le film de Jonathan Glazer. Il est présenté dans un amaray avec un fourreau cartonné.
L’image permet au film d’insiste sur son côté très minimaliste : peu de couleurs, une tonalité très froide pour coller à l’ambiance du camp voisin. Même en blu-ray la netteté est impressionnante et l’image ne souffre d’aucun problème de compression ou d’encodage. C’est dans ce qu’on trouve de mieux sur ce type de format.
Du côté du son, deux versions sont disponibles : la VO et la VF. Toutes les deux en DTS-HD Master Audio 5.1, le travail audio a été méticuleusement pensé par le réalisateur pour éviter toute ampleur : la spatialisation a été fortement limitée, le rendu affichant un mono quasi intégral. L’ambiance est donc oppressante et très froide et colle de ce fait parfaitement à l’image. Les dialogues sont clairs, la voie centrale étant finalement l’enceinte la plus utilisée. Des sous-titres français sont disponibles.
Les bonus vous proposeront d’en savoir plus avec le making of du film et son journal de tournage, un module promotionnel et un entretien avec Antoine Desrues autour du film, son traitement de son sujet et sa place au sein de la filmographie de Jonathan Glazer. Il aurait été intéressant d’étoffer la section bonus au regard de l’enjeu du film.
Pour conclure, on vous conseillera vivement de découvrir ce film et de vous concentrer sur son sujet. La présentation en blu-ray est très satisfaisante même s’il aurait été intéressant de voir comme la 4K UHD allait sublimer la restitution vidéo.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4/5
LA ZONE D’INTERÊT EST DISPONIBLE À LA VENTE EN ÉDITION BLU-RAY DEPUIS LE 05 JUILLET 2024 CHEZ BLAQ OUT :