#048 - EXÉCUTIONS (Un détective), un film de Romolo Guerrieri, 1969.
- LE FILM -
Synopsis : L’inspecteur Belli (Franco Nero) est mandaté par le célèbre avocat Fontana (Adolfo Celi) de faire expulser une call-girl dont son fils Mino est tombé amoureux, et d’enquêter sur un certain Romanis, le directeur d’une maison de disques, qui avait promis un poste important à Mino. Il trouve ce dernier assassiné de deux balles de révolver.
Il y a deux paires d’yeux bleus qui émerveillèrent le monde grâce au cinéma. Outre-Atlantique, Paul Newman occupe la première place avec ses yeux qui peuvent vous faire fondre le cœur ("Luke la main froide", 1967 ; "L’Arnaque", 1973) ou vous terroriser ("Le Plus sauvage d’entre tous", 1963). Mais sur le vieux continent règne tranquillement et sans esbroufe l’un des plus beaux regards caméra du monde : celui de Franco Nero.
Le beau Franco, autrefois pistolero, plus tard juge ou encore "Bandit aux yeux bleus" (1980), joue un rôle que n’aurait pas dénigré un Bogart en bonne forme. On pourrait même dire que le personnage de Belli n’est pas sans rappeler celui de Samuel Spade dans "Le Faucon Maltais" (1941). D’ailleurs, "Exécutions (Un détective)" en est un héritier européen : il en reprend notamment la construction à la fois efficace et alambiquée, baladant notre enquêteur au gré des découvertes. L’inspecteur Belli n’a pas toujours ce temps d’avance qu’a Sam Spade, mais il est malin et ne manque pas de ressources.
Le Sam Spade de Bogart est un cynique qui ne demande qu’à être humaniste. Le Belli de Nero est littéralement un salopard fini, un flicard corrompu qui profite de l’enquête pour s’enrichir le plus discrètement possible et éprouver quelques sensations fortes au gré de relations passionnelles avec la plupart de ses rencontres féminines. Certains pourraient dire qu’ "Exécutions" annonce "Dirty Harry" (1971) dans son approche policière viscérale et torturée. Mais ce serait manquer la force du film : Franco Nero ne campe pas un flic habité par un désir de justice tel qu’il en deviendrait violent. Il s’agit d’une crapule, dont l’opportunisme va ironiquement l’amener à résoudre une enquête croisée par différents mystères et coups tordus. En effet, Belli a beau être une ordure et soutirer des informations en giflant hommes et femmes, jeunes comme adultes, tout en n’oubliant pas de les extorquer au passage par quelques chantage miteux, il n’en reste pas moins un détective malin, mû par un solide instinct de survie.
Le cinéaste Romolo Guerrieri s’amuse avec les codes visuels du film noir et du polar à tiroirs tout en employant l’imagerie énergique et chaotique mêlée à une recherche de style, propre au film d’exploitation italien de l’époque. Ce travail stylistique se révèle ici plus sophistiqué qu’il pourrait paraître. L’inspecteur Belli traine ainsi comme Spade, d’un lieu à un autre, d’un indice à une énième révélation. L’âge d’or Hollywoodien dans le rétroviseur, le film de Guerrieri s’anime dans une Italie corrompue, qu’il s’agisse des grands bourgeois et magistrats ou du policier de bas étage, en n’oubliant pas les stars illuminées par les drogues dures et des gamin/es prêt/es à tout pour atteindre un firmament de notoriété fantasmé par de mauvais canards occupant les étagères des kiosques ruraux. Les décors sont mornes, pour ne pas dire mortifères, et annoncent les morts à venir. La météo y est mauvaise, les dialogues emplis de mensonges et les attitudes violemment changeantes. Le "Bad Lieutenant" (1992) d’Abel Ferrara n’est pas si loin.
Alors que John Huston concluait son "Faucon Maltais" comme un final digne d’Agatha Christie, avec des révélations et arrestations collectivement animées dans un espace clos, Guerrieri place ce moment dans la rue, sans témoins pour féliciter l’esprit de déduction de l’inspecteur. Notre anti-héros replace les faits face à la menace révélée qui n’hésite pas à l’abattre. Mais la mauvaise herbe ne s’arrachant pas facilement, Belli souffre en silence, puis réussit à appeler ses collègues, et par ce coup de téléphone, réussit à se sortir d’une enquête pour corruption en résolvant le grand mystère du film, en y perdant tout de même quelques plumes : il ne ramassera pas de pactole cette fois-ci.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
"Exécutions (Un détective)" débarque en Blu-ray avec un Master 2K restauré bienvenu.
Le rendu visuel est globalement positif. Le film est ici présenté dans son format d’origine. On peut estimer qu’il y a eu un nettoyage de la source malgré quelques points blancs présents. La colorimétrie et le contraste sont nuancés et maîtrisées. Le cadre souffre parfois d’instabilité mais sans déranger l’expérience du film. L’aspect organique du long métrage est prégnant mais semble légèrement atténué. Il faut noter aussi que s’il peut y avoir des plans très précis, d’autres paraissent plutôt délicatement doux, sans compter quelques images à la mise au point hasardeuse. Les problèmes évoqués sont peut-être liés à la source numérisée, ou à un traitement post-scan (loin d’être agressif).
Du côté du son, la piste originale mono italienne est efficace mais ne vous attendez pas un mix sonore riche en composition. La postsynchronisation pourra d’ailleurs être remarquée par plus d’un. La VF – aussi en mono - est propre mais avec une légère tendance à la saturation du côté des dialogues.
Enfin, Artus permet de prolonger formidablement l’expérience du film avec la présence habituelle de bandes-annonces ainsi qu’une présentation du film de Curt Ridel qui ne manque pas d’intérêt mais qui tient plus d’un retour en name-dropping évoquant les filmographies des acteurs d’Exécutions que d’une véritable introduction au long métrage concerné. On trouve ensuite un entretien avec le réalisateur Romolo Guerrieri qui revient sur la conception et l’accueil du film. Les fans du beau Franco pourront l’écouter dans un bref bonus parler de son personnage et de la réception du film. Pour terminer, vous pourrez accéder à un diaporama d’affiches et d’images d’exploitation.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4,5/5
EXÉCUTIONS (UN DÉTECTIVE) EST DISPONIBLE À LA VENTE EN ÉDITION BLU-RAY + DVD DEPUIS LE 1ER MARS 2022 CHEZ ARTUS FILMS :