#047 - DOOR, un film de Banmei Takahashi, 1988.
- LE FILM -
Synopsis : Femme au foyer, Yasuko Honda vit avec son mari et son fils dans un grand immeuble d’un quartier résidentiel. Régulièrement harcelée par les démarcheurs et les canulars téléphoniques, la jeune femme, excédée, finit par claquer la porte sur les doigts d’un vendeur. Choqué, celui-ci refuse d’en rester là. Sa vengeance se mue bientôt en véritable obsession…
"Door" peut être une expérience frustrante. D’un côté, le travail sur l’obsession et la montée en puissance des désirs du démarcheur blessé fonctionne relativement bien, en s’appuyant sur les codes déjà bien installés du Giallo dans les années 60. De même, on retrouve le baroque et l’ironie – ici moins mordante – du De Palma de "Pulsions" (1980) dans la captation du quotidien de la maman-ménagère, Yasuko Honda (interprétée par l’investie Keiko Takahashi, la femme du cinéaste). La bande-son n’est pas en reste à ce sujet, tant elle pourrait être extraite d’un programme de promotion de produits ménagers ou d’un soap opera bien rosé.
Le film ne manque pas non plus de poser un contexte social solide – et de fait crédible - en captant en second plan les conditions de travail difficiles du Japon, que ce soit du côté des démarcheurs soumis à la bonne volonté des démarchés, ou du côté des employés des grandes entreprises informatiques qui travaillent au gré du bon fonctionnement des ordinateurs. On peut aussi évoquer le formidable travail du son, avec les voix masculines étouffées qui apportent une tension supplémentaire au quotidien de Yasuko, ainsi entourée et isolée par des hommes qui peuvent être cet inconnu harceleur dont elle n’entendra que la voix modifiée par le combiné téléphonique pendant une bonne moitié du film.
Mais là où "Door" ne tient pas toutes ses promesses, c’est ironiquement dans le genre cinématographique dont il fait partie : le home-invasion, soit le film d’invasion du foyer par un élément extérieur – un individu, un groupe, des animaux, des aliens, entre autres. Comme le survival (dont il est une sous-catégorie), ce type de film fonctionne lorsque les comportements et actions des personnages attaqués et contre-attaquant réussissent à suspendre notre incrédulité. Or, la dernière demi-heure de ce film d’une heure et trente minutes voit justement son efficacité et sa terreur ternie par des actions peu crédibles. En effet, une fois le home-invasion véritablement lancé avec l’entrée du démarcheur fou dans l’appartement et sa « prise de pouvoir », le drame monte en tension, notamment avec une scène de diner en présence de l’enfant de Yasuko, qui n’a pas connaissance de la tragédie en cours incarnée par la présence à table du démarcheur. Une fois que l’alibi de « l’ami de la famille » est détruit par l’instinct de survie de Yasuko, des séquences de poursuites ont lieu, notamment une maligne menée en un plan en plongée divine, suivant les individus à travers chaque couloir et pièce. Les fans des jeux vidéo Hotline Miami ne manqueront pas d’apprécier.
Comme la plupart des bonnes idées du film, celle-ci traine hélas en longueur. La poursuite les amène notamment dans la salle de bain avec un rejeu de la séquence culte de "Shining" (1980), cette fois-ci non pas avec une hache mais avec une petite tronçonneuse électrique. Pendant au moins cinq bonnes minutes, notre bad guy va tenter d’ouvrir la porte, confronté à Yasuko et son fils « armés » d’un patin à roulettes et d’une broche à poulet. Et c’est là, dans une scène qui se veut certainement culte, que "Door" met en échec son home-invasion tant son méchant semble démuni malgré tous les outils à sa disposition. La suite et le final ne sont pas en reste, malgré des effets visuels soignés, par ailleurs conçus avec un faible budget.
Même s’il ne manque pas de tension dans la mise en place de son piège ainsi que de douceur dans son portrait familial, "Door" pourra donc laisser à distance plus d’un spectateur. Le film reste une curiosité à découvrir.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
"Door" est à (re)découvrir en Blu-ray chez Carlotta Films avec une édition amaray contenant un disque sur lequel on trouve le film, un entretien avec le réalisateur, la bande-annonce du film, ainsi que sa suite érotique, "Door 2", avec sa bande-annonce. Le disque amène ainsi à un premier menu où vous devrez choisir entre "Door" et "Door 2" avant d’accéder à leurs pages respectives. Nous pouvons d’ailleurs noter que "Door 2" propose une présentation HD bien plus soignée et nuancée que celle de son ainé.
En effet, la présentation HD de "Door" est efficace même si elle ne convainc pas totalement. L’image est douce, la texture argentique est prégnante mais diffuse, voire épaisse. Elle se trouve par ailleurs véritablement en retrait dans des plans où la définition semble avoir chuté. La colorimétrie manque de nuances, de même que les contrastes qui semblent trop appuyés en intérieur. À voir si cela ne tient pas de choix du cinéaste et de son directeur de la photographie, ou de problèmes liés à l’élément numérisé pour cette sortie HD. L’image n’est d’ailleurs pas complètement nettoyée ou stabilisée. Attention, le résultat n’est pas catastrophique et est digne du format, mais on pouvait probablement attendre plus d’un tel film aussi récent.
Du côté du son, il y a peu à redire. Le travail du son sur ce film, évoqué plus haut, pourra en déstabiliser plus d’un mais son rendu est excellent.
Du côté des compléments, on trouve un entretien de vingt-cinq minutes avec le réalisateur Banmei Takahashi qui, pour reprendre peu ou prou les mots de l’éditeur, revient sur son arrivée à la Directors Company, qui dénichait les jeunes talents de l’époque ; puis sur "Door", sa collaboration avec sa femme, le travail d’effets visuels ou encore sa récente redécouverte.
Vous trouverez ensuite la bande-annonce du film.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4/5
DOOR EST DISPONIBLE À LA VENTE CHEZ CARLOTTA FILMS DEPUIS LE 7 MAI 2024 :