#027 - THE WICKER MAN, un film de Robin Hardy, 1973.
- LE FILM -
"Afin d'enquêter sur la disparition d'une jeune fille, le sergent Howie de la police écossaise se rend sur l'île où vivait la disparue. Là, il découvre l'existence d'une société païenne aux mœurs libres qui pratique un culte étrange. Le policier commence à penser que cette disparition pourrait être liée à des rites sacrificiels."
Film d'épouvante culte, thriller matriciel, drame existentialiste... "The Wicker Man" est tout cela et bien plus encore. L'enquête du sergent chrétien Howie au cœur de cette communauté païenne va notamment constituer un véritable périple initiatique aux multiples effets sur lui comme sur les spectateurs d'hier et d'aujourd'hui. D'un côté, il s'agira de mettre à l'épreuve les convictions et sentiments profonds ; de l'autre, des interrogations sociales et spirituelles germeront doucement mais surement. Le conservateur chrétien - aussi représentant de l'autorité - avance ainsi au cœur de cette société dionysiaque et orgiaque épanouie ; le désir lubrique et animal tend à soumettre la pudeur et les efforts mis à son service ; la vie et la mort s'entrecroisent dans un face à face entre la résurrection et la réincarnation ; enfin, la bonté du martyr chrétienne croise la passion sacrificielle.
"The Wicker Man" rend sinueuses les frontières morales et éthiques en mettant en scène un choc des civilisations. Le divin monothéiste et son fils martyr ne règne pas sur les terres païennes de Lord Summerisle dont les ancêtres ont ravivé les passions populaires et spirituelles pour les anciens dieux. Cette vocation polythéiste fut relancée par de riches cultivateurs de fruits en proie à de mauvaises récoltes, désirant maintenir une forme d'engouement chez leurs ouvriers alors devenus des "fidèles". Ce discours opportuniste - qui servit d'abord des fins capitalistes - constitua l'origine d'un folklore insulaire coupé du reste du cosmos britannique.
Lord Summerisle, interprété par le toujours charismatique Christopher Lee, perpétue ainsi les rites et coutumes polythéistes relancés par ses aïeux. "The Wicker Man" questionne alors les valeurs chrétiennes du sergent Howie - incarné tout en fragilité et nuances par le formidable Edward Woodward - tout en n'omettant pas d'exposer la poésie, la beauté mais aussi les paradoxes et mensonges cyniques derrière le culte mené par Lord Summerisle.
Le film aborde franchement la question de la religion et du religieux, soit de l’organisation humaine derrière le culte collectif et de la notion de foi qui lie spirituellement l'individu voire la communauté au(x) divin(x). Avec son imagerie qui empreinte notamment au documentaire, le long métrage de Robin Hardy ne tend pas donner de réponse définitive à ce questionnement mais à observer et comprendre au final les liens ténus qu'entretiennent la religion et le religieux avec la violence, la contrainte, la manipulation de même qu'avec la célébration de la vie et des libertés.
Son esthétique influencée par le documentaire et le polar british au réalisme - lui aussi - documentaire des 70s (cf. "Get Carter", Mike Hodges, 1971), flirte avec le cinéma expérimental lors de séquences poétiques conçues avec des montages parallèles visuellement fulgurants. "The Wicker Man" nous apparaît ainsi comme un film au carrefour des genres, des représentations, des questionnements et des influences de l'époque ; un long métrage qui a ainsi su capter le zeitgeist, c'est-à-dire l'air du temps. "The Wicker Man" n'a d'ailleurs pas perdu de sa vitalité tant par son efficacité toujours aussi surprenante que par l'œuvre matricielle qu'il constitue avec son influence importante sur la culture occidentale (de la reprise du géant de paille comme totem du festival Burning Man à "Hot Fuzz" de Edgar Wright avec son village coupé du monde et régi par une éthique aussi très particulière).
- L'ÉDITION BLU-RAY -
Studiocanal a édité ici ce qui pourrait s'apparenter à l'édition définitive du film. Oubliez l'édition de la collection Make My Day! avec son Blu-ray consacré au Final Cut et son DVD dédié à la version cinéma. Ici, l'éditeur vous propose de redécouvrir les trois versions du film en 4K sur deux disques UHD 4K et/ou sur deux Blu-ray, avec des compléments pertinents présents en nombre. On aurait apprécié que la préface de Jean-Baptiste Thoret sur la précédente édition Blu-ray soit reprise, de même que le CD de la bande-son originale présent dans la dernière édition Blu-ray britannique.
Toutefois, ne boudons pas notre plaisir, les bonus déjà nombreux accompagnent un transfert 4K qui rend pleinement justice au film et à ses ambitions. Le négatif du film ayant subi des altérations - ou plutôt des dégradations -, le formidable laboratoire Silver Salt Restoration a dû utiliser des éléments d'un interpositif ainsi que de copies 35mm d'exploitation. Les séquences additionnelles du Final Cut et de la Director's Cut sont notamment touchées avec une perte flagrante de définition, un contraste dur, une granularité épaisse et une colorimétrie beaucoup moins précise. Ces rares moments mis à part, le rendu visuel épate par sa précision, sa stabilité, sa propreté, et finit de nous séduire avec sa gestion organique du grain et sa palette colorimétrique tout en finesse.
Du côté du son, nous avons une piste anglaise stéréo sans compression qui a déjà fait ses preuves et reste toujours aussi efficace, ainsi que la version française non compressée sur le montage cinéma.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 5/5
THE WICKER MAN, DISPONIBLE DEPUIS LE 27 SEPTEMBRE 2023 CHEZ METALUNA STORE :