#031 - LE QUATRIEME HOMME, un film de Phil Karlson, 1952.
- LE FILM -
Un mystérieux cerveau recrute trois complices qui ne se connaissent pas pour réaliser un braquage. Tout se déroule à merveille, d’autant que la police arrête un innocent qui passait par là. Le coup parfait ! Mais une fois relâché, l'homme arrêté par erreur n’a qu’une idée : retrouver les malfrats.


Du film noir au western, Phil Karlson a été l’un des plus grands artisans du cinéma américain, malgré une reconnaissance pas assez répandue parmi les amateurs de la grande toile. Avec "Le Quatrième Homme", Karlson ne déroge pas à ses thématiques - la corruption, l’humanité dans ses zones d’ombre - comme à ses tropes de metteur en scène : une justesse dans les attitudes de ses personnages, une efficacité et une brutalité au service d’une réalité cinématographique en nuances de gris qui ne cède pas au glamour hollywoodien.

"Le Quatrième Homme" ne mache pas son portrait d’une Amérique insidieusement violente et corruptible : le grand cerveau derrière le casse n’est autre qu’un ex-flic écarté des forces suite à une adhésion politique opposée à celle de son chef ; notre faux coupable, un ancien tôlard, se fera malmener par des policiers hargneux prêts à rapidement ficeler leur affaire au poing de tabasser le protagoniste afin d’obtenir des aveux, quand bien même ils puissent être faux ; les braqueurs travaillent masqués afin de ne pas savoir qui fait partie  de leur équipe (à l’image des voleurs de "L’Affaire Thomas Crown" réalisé par le regretté Norman Jewison en 1968) et donc d’éviter tout trouble par la suite - notamment la possibilité de dénoncer ses camarades à la police ou de les éliminer pour rafler le paquet en solo.

La figure du masque est ainsi à la fois littérale et métaphorique dans "Le Quatrième Homme" : il y a le masque derrière lequel se cachent les braqueurs ; l’identité d’un braqueur abattu par la police qu’utilisera le protagoniste afin d’avancer dans ses recherches des malfrats ; et le masque social qui abime les individus : de l’ex-flic à l’ex-prisonnier.

Avec ce récit de masques, Karlson livre une morale allant à l’encontre du manichéisme hollywoodien : la justice n’est pas toujours du côté de ses représentants corruptibles et elle se doit d’être au service de la vérité des individus qui se ne résume pas à un obscur moment mais à toute une vie. L’idée va plus loin encore avec le final du film qui se termine sur un mensonge permettant d’assurer une bonne image à l’ex-flic/cerveau du braquage vis-à-vis de sa fille comme de ses anciens collègues. Comme l’expose ce final (qui inspirera d’ailleurs Christopher Nolan lors de celui de "The Dark Knight" - 2008), il vaudrait mieux parfois se souvenir de quelqu’un en héros incorruptible et bonne personne (qu’il a vraiment été), plutôt qu’en être corrompu dans son dernier souffle.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
"Le Quatrième Homme" est disponible dans une excellente édition HD chez Rimini Editions.

L’éditeur a repris un master HD basé sur une copie 35mm de bonne facture auparavant utilisé chez The Film Detective. Quelques traces d’usure subsistent, l’étalonnage manque parfois d’équilibre et la copie pourrait paraitre un peu douce, toutefois, nous avons affaire à rendu visuel bien organique - respectueux du matériel original - et certainement à la meilleure copie du film à ce jour. 
Pas de version française disponible ici mais l’éditeur propose une version originale en DTS-HD 2.0 propre et efficace (avec sous-titres optionnels), qui présente un léger souffle négligeable en arrière-plan sonore.

Du côté des compléments, nous avons la présentation de Phil Karlson par Jean-François Rauger (d’une dizaine de minutes) captée à l’occasion d’un cycle dédié au réalisateur à la Cinémathèque Française en 2014. De plus, un livret écrit par Christophe Chavdia revient de façon rigoureusement documentée sur la production du film ainsi que les parcours du cinéaste et des acteurs.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4,5/5
LE QUATRIEME HOMME, DISPONIBLE DEPUIS 2019 EN EDITION BLU-RAY + DVD + LIVRET NOTAMMENT CHEZ BLUECATS COLLECTIBLES :