#008 - THE AWFUL TRUTH (Cette Sacrée Vérité), un film de Leo McCarey, 1937.
- LE FILM -
En s'amusant avec le titre original et celui français, on note deux perceptions de la vérité qui viennent construire le film : premièrement "The Awful Truth", soit l'horrible vérité, celle que cache nos deux personnages en couple justement interprété par un duo de cinéma qui illuminera plusieurs toiles ensemble : le volubile Cary Grant et la spectaculaire Irène Dunne. Il s'agit ensuite de la vérité sacrée, ou la sincérité qui se doit d'être respectée dans toute forme de relation mais aussi envers nos sentiments individuels.
Ces deux perceptions vont ainsi construire le film. D'abord, notre couple d'amoureux - qui se voient peu et ont tendance aux marivaudages avec leurs connaissances - va divorcer. Leur relation va être déconstruite à travers des situations cocasses, souvent très dialoguées mais toujours aussi drôles plus de quatre-vingt-dix ans après la sortie du long métrage. Le film doit son efficacité à la réalisation de McCarey - grand nom de la comédie américaine et notamment de la comédie romantique -, ainsi qu'au montage très juste, très serré, d'Al Clark. Ce monteur n'en sera pas à son dernier travail sur un film fortement dialogué puisqu'on le retrouvera sur "Monsieur Smith au Sénat" ("Mr. Smith Goes to Washington", Frank Capra, 1939), ou encore sur le très bon polar protocolaire "Le Maître du Gang" ("The Undercover Man", Joseph H. Lewis, 1949).
À l'inverse du film de mafieux, la déconstruction, qui lance le film, va donner lieu à une reconstruction, à une nouvelle apogée en puissance, et in fine, à un remariage, sujet encore peu inscrit dans les mœurs de l'époque. Nos deux trublions vont se rendre compte qu'ils se sont probablement séparé trop vite, qu'ils s'aiment, et que finalement, le reste avait peu d'importance. Car cette sacrée vérité est aussi celle du cœur, ils s'aiment, au-delà des badinages passés et sans conséquence.
On retiendra d'ailleurs deux scènes fortes qui permettent au récit d'opérer ce basculement idéologique : lorsqu'Irene Dunne est poussée par Grant à danser avec son nouveau prétendant, un cowboy charmant mais old school, soumis aux volontés d'une mère castratrice. Dunne a beaucoup de mal à suivre la danse, mais Grant, qui s'en amuse, paye l'orchestre afin qu'il joue une deuxième fois cette musique jusqu'à ce que Dunne, drôlement maladroite, soit blessée par le cowboy. La deuxième scène suit Dunne, qui fait croire à la prétendante de Grant et à sa très riche et distinguée famille qu'elle est sa sœur. Elle interprète toutefois une sœur aux bas mœurs, fan d'une certaine culture populaire de club musical, qui construit alors un moment jouissif de transgression dans ce monde de cols blancs bien serrés.
Parfaitement à l'aise avec ses deux interprètes principaux, qu'il retrouvera d'ailleurs sur d'autres plateaux de tournage, Leo McCarey réussit ici à digérer son savoir-faire en comédie burlesque - rappelons qu'il a travaillé avec les Marx Brothers, W. C. Fields ou encore Harold Lloyd - afin de construire cette formidable "screwball comedy"* à (re)découvrir dans une édition Blu-ray signée Wild Side.
- L'ÉDITION BLU-RAY -
L'éditeur Wild Side a soignée son édition Blu-ray du film ici présentée d'après une restaurée 4K d'abord parue chez Criterion en 2018. L'image, au format respecté, est formidable de précision et de contraste, même si les plus exigeants pourront regretter plusieurs plans à la définition bien moins solide de temps à autre. Cela est peut-être dû à la qualité du matériau original scanné ou à l'usage d'une deuxième source de moins bonne facture si ces plans étaient trop abimés ou disparus dans la première.
Du côté du son, il n'y a rien à redire, les dialogues sont clairs et les moments musicaux, passages obligés du genre, ne manquent pas de dynamisme.
C'est plutôt du côté des compléments qu'on peut avoir certains regrets. Certes, il y a tout de même deux modules de la journaliste et critique de cinéma Charlotte Garson, spécialiste du cinéma hollywoodien, auteure d'un livre sur ce sujet et d'un autre sur Jean Renoir ou encore de livrets pédagogiques rédigés pour le CNC. Garson revient sur la carrière prolifique de McCarey et propose une analyse du film. Aussi ces deux modules sont complétés - et forcément parfois un peu répétés - par l'écrit précis et complet du livret signé par Frederic Albert Levy, aussi empli de belles photographies de tournage. Toutefois, afin de lui être vraiment équivalente, il aurait été pu être intéressant de reprendre certains bonus de l'édition Criterion tels que l'interview d'Irene Dunne réalisée en 1978, l'adaptation radiophonique du film avec Cary Grant et Claudette Colbert, ou encore, l'essai vidéo réalisé par David Cairns, un vidéaste habitué à se retrouver sur des éditions vidéo, sur la performance de Cary Grant.
- RECOMMANDATION DE L'ÉDITION : 4/5
THE AWFUL TRUTH (CETTE SACRÉE VÉRITÉ), DISPONIBLE EN BLU-RAY DEPUIS JUILLET 2023 CHEZ L'ÉDITEUR WILD SIDE :
* Comédie vaudevillesque et romantique mêlant slapstick et dialogues sur des sujets sociaux et moraux.